Iconographie de Jeanne d’Arc dans les jeux vidéos


Capture d’écran représentant Jeanne d'Arc prise dans le jeu Bladestorm : The Hundred Years' War, du studio Koei Tecmo, 2007

Le cas de l’utilisation de Jeanne d’Arc dans le jeu vidéo est assez particulier. En effet, très peu de jeux sont sortis ayant comme héroïne la Pucelle, bien qu’elle soit l’une des première figures historiques issu des grands personnages de l’histoire à devenir une héroïne d’un jeu vidéo en 1989, avec la sortie de Joan of Arc : Siege and the Sword. Depuis ce premier jeu inspiré par Jeanne d’Arc, on compte une dizaine d’autres jeux vidéo où on peut la trouver comme personnage, dont seulement quatre où elle est l’héroïne du jeu, le dernier étant sorti en 2006. Depuis, aucun autre jeu vidéo comprenant la Pucelle n’est sorti sur le marché.

Dès lors, on peut se poser la question de l’utilisation qu’est faite de l’imagerie johannique dans le monde virtuel du jeu vidéo, au travers plusieurs interrogations, à savoir les raisons qui poussent les différents développeurs à travers le monde à utiliser Jeanne d’Arc dans leurs jeux, la place et le rôle de Jeanne d’Arc dans ces jeux vidéos, les raisons qui font de la vie de Jeanne d’Arc une base scénaristique conséquente pour développer un jeu vidéo, et enfin la représentation physique de Jeanne d’Arc dans les jeux vidéos.

Le choix de Jeanne d’Arc comme personnage de jeux vidéos

Le choix de la Pucelle comme personnage de jeu vidéo repose sur le fait qu’il s’agit d’un personnage historique mondialement connu, mais également sur le fait que les choix des développeurs répondent à une logique purement mercantile.

Jeanne d’Arc est l’un des rares personnage historique de l’histoire de France a avoir un rayonnement mondial, du à la fois à la figure qu’elle incarne et son impact sur son époque, mais également de par l’influence qu’elle a sur l’imaginaire collectif de par le mystères qui l’entoure. En effet, Jeanne d’Arc est l’une des rares grandes figures féminines du Moyen-Âge. On est face à une femme qui refuse de rester sous la domination des hommes, qui décide de prendre les armes pour défendre son pays, qui refuse le schéma classique de son temps qui veut que la femme doit se marier, rester à la maison et s’occuper des enfants. Elle va devenir chef de guerre, une situation inédite dans l’histoire de France, et va mener des guerres au nom du roi et de Dieu, cumulant les statuts militaire et religieux. Ce statut fait d’elle un personnage intriguant.

Cet état de fait est d’autant plus vrai que dès sa mort, Jeanne d’Arc fut l’objet de rumeurs, de fantasmes, et de ouï-dire, et cela a continué jusqu’à aujourd’hui, ou de nombreuses théories fleurissent sur Internet ou à la télévision sur le mythe de Jeanne d’Arc. Il en existe énormément, contribuant à l’aura de mystère qui entoure la Pucelle. Les théories sont en effet nombreuses : Jeanne d’Arc serait une bâtarde de la famille royale, ou bien une simple bergère. Elle ne serait pas morte sur le bûcher, et aurait vécue bien après sa supposée mort. Pour Colette Beaune, historienne médiéviste spécialisée sur Jeanne d’Arc, «les mythes contemporains de Jeanne d’Arc font partie de son histoire»1, renforçant l’intérêt portée à la jeune femme.

Ce statut de personnage historique au rayonnement mondial permet aux développeurs d’envisager l’adaptation de la vie de la Pucelle en jeux vidéos. En effet, le choix de faire un jeu basé sur un personnage historique repose essentiellement sur une logique marchande, résultant d’une opération visant à conquérir de nouveaux marchés, et donc de créer de nouvelles sources de profits pour les développeurs de jeux vidéos, en particulier des gros studios.

Dès lors, on peut affirmer que les raisons qui ont poussé certains développeurs de jeux vidéos à choisir Jeanne d’Arc comme personnage dans leurs produits reposent sur les principes inhérent au marché vidéo-ludique, à savoir la notoriété presque mondiale de la vie du héros choisi, mais également sur une logique marchande garantissant aux développeurs de pouvoir écouler leurs jeux vidéos et ainsi rentabiliser leur production.

Jeanne d’Arc, héroïne ou personnage secondaire ?

Une fois convenu que la vie de Jeanne d’Arc se prêtait parfaitement à une version vidéo-ludique, la question se pose pour les développeurs du rôle à attribuer à Jeanne dans leurs productions. Doivent-ils en faire l’héroïne principale ou lui donner une place plus mineure dans un conflit bien plus important, et qui la dépasse ? Le choix est difficile, puisque cette question est également au centre des débats entre historiens.

«Dans le fait de la guerre, elle était fort experte, tant pour porter la lance que pour réunir une armée ou ordonner un combat et disposer l’artillerie». Tel est la description faite par le duc d’Alençon lors du procès en réhabilitation des capacités militaires de Jeanne d’Arc2. Cette phrase résume bien l’opinion d’une partie des contemporains de la Pucelle, ainsi que de certains historiens, qui la considèrent comme un grand chef de guerre.

Pour d’autres historiens, elle n’est qu’un élément de plus dans un conflit qui s’essoufflait. Pour eux, le rôle de Jeanne d’Arc est plutôt limité. Si elle a remporté quelques victoires, et permis au roi d’asseoir sa légitimité par le sacre de Reims, le véritable vainqueur des Anglais est bien Charles VII, qui par la diplomatie et les reformes aura permis à son royaume de retrouver son unité et de se débarrasser des Anglais.

Comme nous avons pu le voir précédemment, ils existent deux visions diamétralement opposées sur le rôle de Jeanne d’Arc durant la Guerre de Cent ans. Cette différence de point de vue se retrouve dans la production vidéo-ludique ayant un rapport avec la Pucelle, la place de cette dernière dépendant de la vision des développeurs sur son rôle dans le conflit.

C’est ainsi que certains développeurs mettent en avant Jeanne d’Arc comme étant la figure historique emblématique de la guerre de Cent ans, celle qui à mis un terme au conflit opposant le royaume d’Angleterre et le royaume de France. C’est le cas par exemple du jeu Jeanne d’Arc du studio japonais Level-5.

A l’inverse, plusieurs studios mettront en scène Jeanne d’Arc comme étant un élément marquant de l’histoire de France, mais ayant une importance assez limitée. C’est le cas par exemple des suédois de Paradox Interactive, qui dans leur jeu Crusader Kings II, vont faire de l’arrivée de la Pucelle un événement mineur, cette dernière étant cantonnée à un rôle de conseillère auprès du roi Charles VII.

Au final, le rôle et l’importance de Jeanne d’Arc dans ses jeux vidéos dépend en très grande partie de la place qui est réservée à la Pucelle dans le scénario des développeurs. Soit elle est l’héroïne principale, et dans ce cas, ils vont la mettre sur le devant de la scène, en en faisant celle qui met fin à la guerre de Cent ans, soit elle est un personnage secondaire, et alors elle sera cantonnée au rôle du général ou du soldat, sans pouvoir d’influencer le conflit opposant troupes anglaise et françaises.

La vie de Jeanne d’Arc, un cadre idéal pour un jeu vidéo ?

Le choix de faire un jeu vidéo sur un personnage historique ne repose pas seulement sur le charisme que ce dernier peut avoir, il faut également pouvoir intégrer cela à un type de jeu vidéo. Pour cela, la vie de la figure historique choisie se doit d’être suffisamment riche en événements, en personnages alliés et en ennemis pour que cela puisse être retranscrit en scénario de jeux vidéos.

Quand on observe la vie de Jeanne d’Arc, on constate qu’elle remplit tous les critères d’un jeu vidéo. On y retrouve différents élément clé qui composent un soft tel que le conçoivent les développeurs.

Ainsi, on peut faire le parallèle entre la définition du parcours initiatique mis en lumière par Christopher Vogler3 et la vie de Jeanne d’Arc. En effet, on peut dire que la vie de Jeanne d’Arc, et en particulier à partir de son départ de Domrémy, suit une structure assez proche de la narration d’une œuvre littéraire mythologique. De même, la vie de Jeanne d’Arc colle très bien aux schémas régissant la construction d’un jeu vidéo. On observe une montée en puissance narrative au cours de la vie de Jeanne d’Arc, avec plusieurs points culminants, tels que la prise d’Orléans, le siège de Paris, puis la capture et la mise à mort de Jeanne.

De même, on peut affirmer que les compagnons d’armes qui entoureront la Pucelle tout au long des campagnes qu’elle va mener, l’aidant dans son combat, correspondent à un modèle existant dans le jeu vidéo. Des figures historiques tels que La Hire, Gilles de Rais ou encore Arthur de Richemont vont voir leur avatar virtuel être traiter comme les camarade du héros qui, notamment dans les RPG, vont constituer un complément, apportant au héros les qualités qui lui font défaut. Les relations entre les personnages va également constituer une partie très important du scénario d’un jeu, enrichissant l’histoire et donnant d’avantage envie au joueur de participer à cette aventure.

Il en va de même pour les ennemis, raison pour laquelle Jeanne prendra les armes. Figure essentielle de nombreux jeux vidéos, les développeurs vont doter Jeanne d’Arc d’ennemis historiques, tels que le duc de Bedford, dans Ages of Empires II, mais également d’ennemis piochés dans le bestiaire d’heroic-fantasy, comme des orcs, des gobelins et autres dragons, comme dans le jeu Jeanne d’Arc du studio japonais Level-5.

Au final, on peut conclure que la vie de Jeanne d’Arc remplit tous les critères d’un jeu vidéo. On y retrouve les élément clés, que ce soit le parcours initiatique, qui la mènera de son village de Domremy au bûcher de Rouen, les compagnons d’armes, qui entoureront la Pucelle, l’aidant dans son combat, et bien évidemment, les ennemis, raison pour laquelle Jeanne prendra les armes. Le parallèle entre la vie de Jeanne d’Arc et une trame scénaristique fictionnelle est assez saisissant, ce qui en fait le cadre idéal pour les développeurs de jeux vidéo.

Jeanne d’Arc, une exception dans la représentation physique d’un personnage féminin dans les jeux vidéos ?

A quoi pouvait bien ressembler Jeanne d’Arc ? Cette question revient souvent dans les œuvres historiques traitant de la Pucelle. Il faut dire que la représentation physique de Jeanne d’Arc est sujette à questionnement, tant les historiens disposent de peu de description de la Pucelle. L’image que l’on a d’elle, de son vivant à nos jours, est plus souvent une question d’interprétation personnelle de l’historien ou de l’artiste. La version vidéo-ludique n’échappe pas à cela, d’autant plus qu’elle doit composer avec vision très masculine de l’iconographie de la femme dans le milieu du jeu vidéo.

Les informations obtenues par les différents témoignages des contemporains de Jeanne d’Arc nous permettent de faire un portrait d’elle assez limité. On peut seulement affirmer qu’elle était de taille moyenne pour l’époque (env 1m60), avec les cheveux noirs coupés courts comme les hommes, et qu’elle avait un corps robuste, mais tout de même assez féminin. Cela permet aux développeurs de jeux vidéos de pouvoir avoir une base de travail dans leurs travaux.

Or, malgré des sources identiques, la représentation physique de Jeanne d’Arc est très différentes entre les studios occidentaux et orientaux. Ainsi, les développeurs occidentaux s’attachent à respecter au maximum la réalité historique du sujet traité dans leurs jeux vidéos. C’est ainsi que dans des jeux tels que Wars and Warriors : Joan of Arc, Medieval : Total War ou encore Joan of Arc : Siege and the Sword, on retrouve une Jeanne d’Arc très souvent vêtue d’une armure, accentuant ainsi l’image guerrière de la jeune femme. Chez les développeurs orientaux, l’image qui revient le plus souvent est celle d’une jeune femme aux cheveux blonds, aux yeux bleus, correspondant à la vision fantasmée de la femme française, ainsi qu’une certaine idée de la pureté. On retrouve ce modèle dans des jeux tels que Jeanne d’Arc, ou encore Battlestorm : The Hundred Year’s War.

On notera que ces différentes représentations de Jeanne d’Arc ont pourtant un point commun, à savoir qu’elles sont très éloignées de certains clichés qui existent dans le monde vidéo-ludique quand à la représentation des personnages féminins. On est loin des personnages hyper-sexualisées qui peuvent exister, tel que Bayonetta, du jeu éponyme, ou de l’ensemble des personnages féminins de la saga Dead or Alive.

Ainsi, la représentation physique de Jeanne d’Arc dans les jeux vidéos ne souffre que très peu de l’iconographie féminine classique du monde virtuel. Il faut reconnaître que la grande majorité des développeurs ont essayé de la représenter sans chercher à en faire un personnage sexualisée, ce qui est un norme dans le milieu vidéo-ludique. Si les différentes versions diffèrent entre elles, on retrouve des points communs qui montre que Jeanne d’Arc est vu autant comme une guerrière que comme une jeune fille pure. L’iconographie johannique dans les jeux vidéos correspond au mythe de la vierge guerrière, une exception dans ce milieu à la vision très masculine de la femme.

Conclusion.

Au final, nous pouvons dire que le choix de faire de Jeanne d’Arc un personnage de jeu vidéo n’est en aucune façon anodin, la représentation de la Pucelle dans les différents jeux vidéos où elle apparaît et le degré de réalité historique avec laquelle les développeurs l’ont décrite est le résultat de nombreux facteurs.

Cette représentation dépend tout d’abord du rôle de Jeanne d’Arc dans la guerre de Cent ans défini par les développeurs, ce qui va de pair avec le type de jeu développé. Les jeux mettant en scène Jeanne comme étant un élément mineur du conflit ne développe pas une représentation particulière, la Pucelle n’étant qu’un général comme un autre, alors que les jeux qui en font une héroïne en donne une image beaucoup plus travaillée et plus proche de la réalité historique.

Au delà du statut, la vie même de Jeanne peut être considérée comme étant construite sur un modèle scénaristique classique, permettant aux développeurs d’asseoir la représentation de la Pucelle sur une base cohérente et dans une certaine partie historique, en l’entourant d’alliés et d’ennemis, réels ou non.

Enfin, cette représentation est largement influencée par des traits culturels, ces derniers dépendant de différentes notions. Ainsi, cette représentation johannique dépend énormément du pays des développeurs, avec une Jeanne plus proche de la réalité historique dans la vision occidentale, et une Jeanne très largement fantasmée dans la vision orientale. Elle est également concernée par les clichés culturels du monde virtuel dans la représentation féminine, faisant que l’image vidéo-ludique de la Pucelle est très différente d’un jeu à l’autre, et ne respectant la réalité historique que dans un certain niveau.


 

1BEAUNE Colette, Jeanne d’Arc, Vérité et Légendes, Paris, Ed Perrin, 2011, p.35

2DUPARC Pierre, Procès en nullité, T.3, Paris, Ed C.Klinckseick, 1983, p70

3VOGLER Christopher, The Writer’s Journey, Los Angeles, Ed Michael Wiese Productions, 2007, p8

 

Interview d’Epyon, rédacteur à JeuxVidéos.com, réalisée pendant la Paris Game Week


  1. Tout d’abord, peut-tu te présenter (parcours, …) ?

=> Eh bien bonjour, je m’appelle Loïc, plus connu sous le pseudonyme d’Epyon, sous lequel j’officie pour le site jeuxvideo.com. Après un Bac L obtenu haut la main (peau d’lapin), je me suis dirigé vers une fac d’anglais (LLCE, plus précisément), un peu par défaut. Jusqu’alors j’envisageais plutôt Science-Po, ou même l’école du Musée du Louvre, mais des soucis personnels m’ont empêché de quitter la ville où j’habitais alors (Grenoble), et, à quelques semaines de la reprise des cours, il fallait bien que je trouve quelque chose. Après 3 ans à galérer entre les grèves étudiantes et les soucis administratifs de tout genre, complètement lassé par la vie universitaire, j’ai abandonné avant même de terminer ma licence. Après une année sabbatique, j’ai finalement décidé de reprendre mes études, cette fois-ci du côté de Limoges, en optant cette fois pour l’Histoire, là encore un peu par défaut, même si je n’ai pas regretté ce choix par la suite.

  1. Comment est-tu devenu membre de la rédaction de Jeuxvidéo.com ?

=> Un coup du destin, je dirais ! Plus sérieusement, alors que j’allais entrer en troisième année, jeuxvideo.com m’a contacté pour me proposer un emploi. Non pas à la rédaction, mais service Marketing, afin d’occuper le poste de community manager. Il fallait notamment que je m’occupe des forums, et dans une moindre mesure des réseaux sociaux. Le poste était fait pour moi, si je puis dire, puisque je connaissais et fréquentais le site depuis sa création ou presque ; en outre, j’étais l’un des plus anciens membres du noyau dur de la communauté du site, et l’administration me connaissait plutôt bien puisque j’avais été modérateur bénévole sur plusieurs de leurs plus gros forums. J’ai donc fini par accepter, après en avoir discuté avec l’un de mes professeurs. Mais c’est en arrivant réellement à jeuxvideo.com, et après plusieurs mois de travail que je me suis rappelé à quel point le boulot de rédacteur m’avait fait envie, par le passé. En 2009, j’avais même candidaté pour obtenir un poste, après un appel à candidature… sans succès. J’ai donc retenté ma chance en mars 2013, lorsque l’on a appris que l’un des rédacteurs allait s’absenter pour au moins un an. J’ai envoyé un dossier assez étoffé, composé d’une dizaines de tests, et de deux articles traitant de sujets « de fond », plutôt pointus donc. J’ai finalement été retenu, avec 3 autres personnes, pour passer une série de tests et d’entretiens. Suite à quoi j’ai appris que j’étais embauché. J’ai eu énormément de mal à y croire sur le moment, puisque j’avais passé ces tests et entretiens dans les pires conditions possibles (une opération des dents de sagesse deux jours avant, particulièrement douloureuse).

Histoire générale

  1. En tant que journaliste, et ayant une formation historique, le coté historique des jeux est-il un critère sur lequel tu fait attention, en particulier pour les jeux qui se revendiquent comme tel, à l’exemple de la série mondialement connue d’Ubisoft, Assassin’s Creed ?

=> J’y fais attention comme je pourrais faire attention dans certains films ou certains romans. C’est à dire que je ne vais pas être vraiment exigent, même si certaines erreurs pourraient m’agacer, si elles sont illogiques. En revanche des références particulières, qui dénoteraient d’un travail de documentation approfondie, auront plutôt tendance à attirer ma bienveillance, c’est certain. Ce fut par exemple le cas lors de mes premières sessions de jeu sur Assassin’s Creed 3. Le jeu était supposé avoir pour trame de fond la Guerre d’Indépendance Américaine, et à la grande surprise d’une majorité des joueurs, les premières heures de jeu se déroulaient durant la Guerre de 7 ans (et donc surtout la Guerre de Conquête), et il y avait certaines références assez pointues, notamment à l’Expédition Braddock, à la « prise » de Fort Duquesne, c’était assez plaisant.

  1. Prenons l ‘exemple d’Assassins’s Creed. On peut reprocher à cette série d’avoir un décor et un contexte historique, mais une trame narrative mêlant fiction et Histoire, au risque d’induire le joueur en erreur. Du coup, quand on teste ces jeux, est-ce que l’on fait attention à préciser aux lecteurs ce qui est est vrai historiquement, et ce qui ne l’est pas ?

=> À titre personnel je n’ai jamais eu la chance de tester, pour jeuxvideo.com, l’un de ces jeux. En revanche je les apprécie énormément, en tout cas pour les premiers épisodes, et j’ai tendance à les conseiller régulièrement à des amis non-joueurs. Dans ce contexte-là je fais effectivement attention à préciser que les titres mêlent fiction et histoire et que tout n’est pas à prendre comme argent comptant. D’ailleurs les développeurs eux-mêmes ne s’en cachent pas, et avertissent les joueurs qu’il s’agit avant tout d’une œuvre de fiction, en début de partie.

  1. Dans le cadre des interviews des développeurs de jeux se revendiquant comme étant historique, ces derniers expliquent-ils leur façon de faire des recherches historiques, et est-ce une question qui vous semble importante à poser ?

=> Là encore je n’ai jamais eu cette chance, même si, dans les interviews que j’ai pu lire, les développeurs disent d’eux-même qu’ils n’ont pas la prétention de donner des leçons d’Histoire avec leurs jeux. Ils l’ont encore rappelé récemment suite aux vives critiques de Jean-Luc Mélenchon, concernants Assassin’s Creed Unity. Mais en tant qu’ancien étudiant en Histoire, et passionné par le sujet depuis ma plus tendre enfance, c’est une question qu’il me paraîtrait naturel de poser.

  1. Quand on regarde les jeux dits historiques, on a l’impression que l’époque détermine le type de jeu, comme les FPS pour la Seconde Guerre Mondiale, les jeux de stratégie pour l’histoire médiévale, … Peut-on regretter cette situation, tout comme le fait que des pans de l’Histoire ne soit pas utilisé car non adaptable ?

=> À mon sens c’est surtout une question de gameplay, certaines époques offrant plus ou moins de possibilités… Il serait par exemple difficile de faire un FPS sur fond de Guerre de 100 Ans, la vie d’un arbalétrier n’aurait rien de bien excitant, en terme de jeu vidéo ! En revanche je pense que des périodes comme le Moyen Age sont de mieux en mieux exploitées, et on peut trouver beaucoup de styles différents… Avec des jeux comme Chivalry : Medieval Warfare, ou War of the Roses, on a deux jeux plongeant le joueur (tant bien que mal) dans le Bas Moyen Âge, mais qui ne sont pas des jeux de stratégie. Il existe aussi beaucoup de jeux de stratégie prenant ayant pour trame de fond la Seconde Guerre Mondiale. Il faut simplement fouiller un peu et aller plus loin que les jeux dits AAA, les hits des gros éditeurs, comme Activision ou UbiSoft.

Mais je pense que la force du jeu vidéo, c’est justement qu’il offre de très nombreuses possibilités, et que rien n’est inadaptable. Je me rappelle avoir lu il y a 10 ans, dans un magazine (TotalCube, je crois) un article qui justement trouvait dommage que la 1ère Guerre Mondiale ne soit pas traitée dans un jeu vidéo. Mais l’article mettait également en avant le fait que cette guerre offrait sans doute des possibilités… limitées : attendre dans une tranchée, et charger à l’aveugle en espérant ne pas se faire descendre par un ennemi aveugle, en terme de jeu vidéo, ça n’aurait aucun intérêt. Avec tout le respect que j’ai pour les millions de personnes qui sont morts durant cette guerre, bien entendu. En revanche, pas plus tard qu’il n’y a pas longtemps, UbiSoft a pris le parti de développer et d’éditer un jeu nommé Soldat Inconnu. Le parti pris est intéressant, puisque plutôt que d’en faire un jeu d’action, type FPS, potentiellement sans intérêt, ils ont décidé d’en faire un jeu de plates-formes/aventures, dépeignant avec beaucoup de justesse l’horreur de la vie dans les tranchées, et de la guerre de manière générale. C’est un très beau plaidoyer pour la paix ! Le jeu en lui-même souffre de plusieurs défauts agaçants, mais reste qu’il traite un sujet très grave d’une manière plutôt juste et jusque là assez originale.

  1. Pour plaire, le jeu vidéo se doit d’être de très bonnes qualités tant sur le plan du gameplay que de la réalisation, de la trame narrative, … Est-ce que les jeux vidéos historiques ne négligent pas cet aspect là, et du coup, attirent moins les joueurs ?

=> Peut-être, oui. Et c’est en cela qu’Assassin’s Creed a été une véritable petite révolution, parce que pour la première fois, un gros éditeur s’attaquait à l’Histoire avec un H, en prenant le parti de livrer un jeu à la fois beau, immersif, plutôt crédible/cohérent côté Histoire, et très grand public dans son gameplay . Les premiers Call of Duty, ou des jeux comme Medal of Honor un peu avant, étaient tout aussi grand public, mais l’histoire, la Seconde Guerre Mondiale, n’était finalement qu’un prétexte, même s’il y avait à l’occasion quelques références historiques tout à fait valables. Un jeu comme Assassin’s Creed 2 (bien meilleur que son grand’frère) ont créé chez de nombreux joueurs un véritable intérêt pour la Renaissance italienne ; c’est d’ailleurs sur son succès qu’ont surfé les séries TV Borgia.

Et il y a une chose particulièrement amusante, c’est que les joueurs sont souvent les premiers à critiquer tel ou tel jeu parce qu’il met en scène une période particulière de l’Histoire… On lit, on entend souvent « C’est l’Histoire pour les nuls », « c’est plein d’erreurs »… Alors que la plupart du temps, eux-mêmes n’arriveraient pas à déceler ces erreurs ! Il y a une sorte de snobisme, en tout cas en France, de ce point de vue là, et c’est toujours amusant à constater… parce que ces critiques sont utilisés contre des jeux hyper-populaires comme Assassin’s Creed, produit par une grande entreprise (et pour beaucoup de joueurs, grande entreprise = pompe à fric = jeux de merde), mais ne l’étaient pas à l’époque où des jeux comme Age of Empires connaissaient la gloire. Mais c’était un succès beaucoup plus confidentiel, puisque alors le jeu vidéo était moins populaire qu’il ne l’est aujourd’hui. Même chose pour un Chivalry Medieval Warfare, jeu moins populaire et pas exempts de défauts…

Histoire de France

  1. Parlons de l’Histoire de France. Il y a très peu de studios français qui font des jeux partant d’une base historique française, alors que des studios américains, suédois, voir japonais n’hésitent pas à utiliser l’histoire française pour faire leurs jeux. Est-ce que cette situation n’est pas regrettable ?

=> Peut-être, mais cela ne veut pas dire pour autant que si ces studios développaient des jeux vidéo, ils seraient plus… pertinents, plus crédibles, d’un point de vue historique. Les développeurs seraient toujours opposés aux mêmes soucis, indissociables de toute production artistique. Les scénaristes, notamment, ont presque toujours besoin de prendre quelques légères libertés… Après il existe sans doute des petits studios qui ont développé des jeux « historiques », mais dans l’immédiat aucun nom me vient à l’esprit. Il faut néanmoins garder en tête qu’Ubisoft est à l’origine un studio français ( UBI signifiant, à l’origine, « Union des Bretons Indépendants), fondés par trois frères, donc l’un en est toujours PDG. Il y a énormément de francophones dans les équipes du studio principal, se trouvant à Montréal. Et je ne pense pas que si le studio était français à 100 %, cela changerait quoi que ce soit pour le développement du jeu, et sa qualité finale. De ce que j’en sais, Ubisoft fait plutôt du bon travail de ce côté-là, notamment en utilisant comme consultants de nombreux professeurs et spécialistes des époques qu’ils traitent dans leurs jeux.

  1. De plus, lorsque ces studios étrangers utilisent l’Histoire de France, il arrive que cela ne soit pas forcément très bien traité (Jeanne d’Arc, The Saboteur, …), avec beaucoup d’incohérences historiques. Comment peut-on l’expliquer, alors qu’il est facile d’accéder à une forte base historique ?? Cela vous gache-t-il votre plaisir de jeu ?

=> Beaucoup ont tendance, en effet, a mettre en scène une version… idéalisée de l’Histoire de notre pays, parfois pour des raisons scénaristiques, voire esthétiques… ou carrément marketing, en fait. C’est une thèse que j’avais développé à un moment. La façon de traiter de telle ou telle époque influe énormément sur le regard porté par les joueurs sur le jeu, le produit qui leur est présenté, et de fait je ne suis pas étonné de voir certains éditeurs arranger un peu les choses de manière à ce que leurs jeux soient suffisamment « sexy » pour le grand public. C’est le grand public qui rapportent le plus d’argent, et beaucoup n’ont pas envie de jouer à un reportage Arté. Ce que beaucoup veulent, c’est un jeu amusant, plus proche du roman de cape et d’épée que de l’ouvrage universitaire.

Et je peux les comprendre !

De fait il est assez amusant de voir comment un éditeur aussi puissant qu’Ubisoft a traité Assassin’s Creed 3 et Assassin’s Creed Unity, notamment dans sa campagne marketing. AC3 traite principalement de la Révolution Américaine ; les campagnes de publicité, notamment celle baptisée « Rise », mettait en avant un peuple brimé, oppressé, torturé par une force étrangère (ici, les Anglais, donc), mettant ainsi l’emphase sur le besoin naturel de liberté et d’indépendance. La campagne parfaite pour séduire le public américain, pour qui la Révolution évoque naturellement la liberté. Et récemment, Assassin’s Creed Unity, traitant lui de « notre » révolution, la Révolution de 1789, a choisi un tout autre chemin. Plutôt que de mettre en avant le besoin de liberté et d’égalité tout aussi légitime du Tiers Etats, les inégalités sociales de l’Ancien Régime, ce genre de choses, l’emphase a été mise sur la guillotine, le peuple en furie exterminant à tour de bras la noblesse… D’ailleurs l’édition collector d’AC3 s’appelait « Freedom Edition », alors que pour Unity, c’est la « Guillotine Edition », ce qui est assez évocateur. Et c’est justement sur cela que l’éditeur a joué : le pouvoir d’évocation. Il est plus aisé de séduire ainsi le public américain, voire celui du monde entier, de cette manière, tant pis pour les Français qui ne seraient pas tout à fait d’accord avec cette vision des choses. Il faut néanmoins noter que l’on parle ici de campagnes de publicité. Une fois à l’intérieur du jeu, les choses sont bien différentes, beaucoup moins manichéennes. Je n’ai pas encore joué à Unity, mais j’ai trouvé AC3 plutôt juste dans sa façon de traiter le sujet ; les développeurs n’ont pas hésité à présenter un George Washingon hésitant, perdant et finalement assez peu charimastique, loin des clichés habituels.

Pour répondre à la question initiale, je dirais donc que « non », si et seulement si cela se justifie dans le jeu.

  1. Il y a assez peu de grandes figures historiques françaises, comme Napoléon, que l’on retrouve dans les jeux vidéos. En tant que journaliste amateur d’histoire, est-ce qu’il n’y a pas certains grands personnages historiques que l’on aimerait voir dans un jeu vidéo ?

=> Bonne question, je ne sais pas vraiment ! En tant que médiéviste, j’aimerais voir Bertrand du Guesclin, Louis IX, Edouard de Woodstock (le fameux « Prince Noir ») dans des jeux vidéo… Mais plus que les personnages, ce sont des époques, des périodes, que j’aimerais voir. Et pas forcément du jeu de stratégie, quelque chose qui implique plus le joueur. La Réforme, en France, serait une période intéressante, tout comme les combats, au cœur du St Empire et en Italie, qui ont opposés Frederic II aux papes Gregoire IX et Innocent IV. Les luttes intestines, le contexte de quasi-guerre civile… C’est très intéressant à mettre en scène, et y participer serait forcément un plus appréciable ! C’est d’ailleurs un peu le parti pris par Ubisoft, qui place chacun de ses jeux (ou presque) dans des moments critiques de ce genre, faisant la part belle aux complots de tout poil.

  1. Dans les années 90, des jeux vidéo-ludiques basés sur l’histoire de France étaient réalisé en collaboration avec des organismes chargé du patrimoine, comme la saga Versailles, poussant jusqu’au photo-réalisme des décors. Aujourd’hui, cela ne se fait plus, malheureusement. Comment peut-on l’expliquer ?

=> Parce qu’à mon humble avis, le genre, proche du point’n’click, n’attire plus, ou moins qu’avant, surtout dans ce style là. C’était très impressionnant à l’époque, et c’est en partie pour cela qu’ils étaient appréciés. Aujourd’hui, c’est très facile à faire… Et il y a une autre explication possible. Dans les années 90 les parents surveillaient sans doute beaucoup plus qu’aujourd’hui les jeux vidéo, et ce à quoi jouaient leurs enfants. Ce n’est pas une critique (même s’il y aurait beaucoup de choses à dire sur le sujet), simplement un constat : le média commençait à se démocratiser mais restait encore assez obscur, aux yeux des parents. Et je pense sincèrement que beaucoup de parents ont préféré tourner leurs enfants, ou leurs ados vers ce genre de jeux. D’autant qu’une production comme Versailles avait bénéficié, en France, d’une promotion importante, du fait de son caractère exceptionnelle.

Je pense qu’aujourd’hui il est tout simplement impossible de recréer le même phénomène.

Jeanne d’Arc

  1. Jeanne d’Arc est une figure majeure de l’Histoire de France, surtout au vu de son passage rapide (moins de trois ans). Quels sont les éléments historiques qui permettent à Jeanne d’Arc d’incarner l’héroïne d’un jeu vidéo ?

=> Le personnage historique de Jeanne est un archétype assez connu des joueurs de jeux vidéo : sortie de sa campagne, elle fait une rencontre, qui est un véritable élément déclencheur, et la voilà partie pour mener une grande mission. Dans le cas de Jeanne, il n’était pas question de sauver l’univers, bien entendu, mais de bouter les Anglais hors de France. Mais comme je le disais, il s’agit là d’un archétype, et on retrouve beaucoup ce modèle de héros dans des jeux japonais. Je pense notamment à la série The Legend of Zelda, dans laquelle le héros, Link (ou quel que soit le nom que le joueur souhaite lui donner), est en général issu de la campagne, il ne connaît pas grand-chose du monde, et c’est via ce voyage initiatique qu’il va se rendre compte qu’il a entre les mains le destin de tout un monde, qu’il va devoir le libérer de l’oppression d’un terrible mage, ou d’un démon. Le petit fermier qui se retrouve finalement dans la position de héros de légende, libérateur et salvateur… On connaît plutôt bien, en France ! On retrouve cette figure dans beaucoup de RPG japonais, à vrai dire. Toujours cette même figure, ce personnage qui ne sait rien du monde et qui va finalement devoir le sauver.

À partir de là, pas étonnant de retrouver Jeanne d’Arc en héroïne de jeux vidéo, sa vie s’y prête parfaitement !

  1. La vie de Jeanne d’Arc comporte des éléments pouvant être adapté en jeux vidéos, sous de nombreuses formes. Comment expliquer le peu de jeux basée sur elle ?

-=> Difficile à dire. Peut-être par peur du message que cela ferait passer. Aujourd’hui, Jeanne d’Arc est utilisée par l’extrême-droite française comme une figure de résistance contre l’invasion… Dans le climat politique, géopolitique, et social actuel, pas sûr que le message passerait très bien. Le jeu fonctionnerait sans doute très bien en France, mais à l’échelle internationale ? Ce serait peut-être bien différent, et il ne faut pas oublier que les gens qui font des jeux vidéo le font aussi pour l’argent, au moins un peu.

  1. Prenons l’exemple du jeu Jeanne d’Arc, édité par le studio japonais Level-5. La trame historique repose sur sa vie, mais est complètement diluée par un apport heroïc-fantasy, faussant du coup la réalité historique. Quand on voit cela, on ne se dit pas que l’apport historique est juste un argument marketing ?

=> Oui et non. Les Japonais ont une véritable fascination pour la France, et pour l’histoire de notre pays. Et comme je le disais plus haut, ils sont très attachés à ce genre de personnages, donc leur attachement à Jeanne d’Arc est assez fort, aussi curieux que cela puisse paraître ! Ils ont forcément une vision fantasmée du personnage, de l’histoire de notre pays. Fut un temps, chez nous les samurais et les ninjas étaient très à la mode, on adorait ça ! Est-ce que, pour autant, nous sommes tous devenus des grands connaisseurs de l’histoire du Japon ? Je ne pense pas. D’ailleurs de manière plus générale aujourd’hui, de nombreux adolescents se passionnent pour le Japon mais ne le connaissent qu’à travers quelques mangas et jeux vidéo… C’est un peu la même chose ici.

  1. Comment expliquer la différence de perception qu’il existe d’elle en fonction de la nationalité des développeurs ?

=> Comme je le disais plus haut. Si nos amis Anglais s’attaquaient au sujet, il est certain que le personnage serait mis en scène autrement ! Ces personnages sont marquants parce qu’ils sont au centre d’événements qui peuvent encore être sources de tension entre certains pays. Il n’en existe aucune, entre le Japon et nous (au contraire même, ils nous adorent!), de fait elle est plutôt bien mise en valeur, même si c’est un peu exagéré.

Éducation et Jeux Vidéos

  1. Peut-on dire que certains jeux vidéos historiques peuvent avoir une valeur pédagogique, où que l’idée d’enseigner par ce biais est illusoire ?

=> Oh je pense sincèrement qu’ils peuvent être une source de connaissance. Dans l’état actuel des choses, j’encouragerais n’importe qui à aller vérifier les faits en ouvrant quelques bouquins, mais c’est aussi vrai pour certains reportages qui paraissent à la télé et qui ne sont jamais remis en question. À mon sens il n’y a pas meilleure façon de faire connaître des époques, des gens, des faits, qu’en les faisant vivre et découvrir aux gens, et par ce biais. Et puis, comme je le disais plus haut, les jeux peuvent aussi pousser les gens à s’intéresser plus en détails à une époque. Mon collègue Lespol, qui a testé Assassin’s Creed 3 pour jeuxvideo.com, aime l’Histoire, mais il ne s’était jamais intéressé à la Révolution Américaine. En jouant à AC3, il a eu envie d’en savoir plus, et par la suite il a lu plusieurs bouquins, et regarder un paquet de docu’ trouvés ici et là sur le web. Donc le jeu vidéo peut servir de déclencheur… C’est une forme de pédagogie, je pense !

  1. Prenons le cas d’un jeu récent : Soldats Inconnus, mémoire de la Grande Guerre. Ubisoft Montpellier a travaillé en collaboration avec les historiens qui ont monté le documentaire Apocalypse, la Première Guerre mondiale. Est-ce que cette démarche en fait un jeu qui peut avoir une vocation pédagogique ?

=> Oui, clairement. Mais là encore, je ne pense pas qu’il soit bon de se limiter à une seule et unique source d’informations, autant les multiplier. Mais si le jeu a au moins une qualité, c’est qu’il dépeint avec beaucoup de justesse l’horreur qu’ont vécu les combattants de la Grande Guerre. Si l’on peut faire comprendre cela aux joueurs, c’est déjà un bon point.

  1. Un autre jeu jeu avait lieu pendant la Première Guerre Mondiale, je pense à Red Baron II. Le jeu était accompagné d’un manuel historique très complet sur le conflit aérien pendant la guerre. En ce moment, le jeu vidéo devient énormément dématérialisé, mais ne faudrait-il pas faire un équivalent de ce genre de manuel intégré au jeu pour intéresser les joueurs à l’Histoire ?

=> Le dématérialisé grimpe, surtout sur PC, mais une bonne partie des joueurs restent attacher au format classique, en « dur ». Pour le cas de Red Baron II et de son manuel… De nombreux jeux embarquent directement des tonnes de notices, de didacticiels, de petites fiches à caractère pédagogique… Assassin’s Creed le fait plutôt bien, par exemple. Du coup, ce genre de manuels existent déjà, reste à voir à quel point cela sera exploiter par les prochains développeurs de jeux « historiques ».

Interview de Kaaraj, rédacteur à JeuxVidéos.com, realisée pendant la Paris Games Week, le 30 Octobre 2014


En tant que journaliste, le coté historique des jeux est-il devenu un critère sur lequel tu fait attention, en particulier pour les jeux qui se revendiquent comme tel, à l’exemple de la série mondialement connue Assassin’s Creed ?

Pour le coup, tu es bien tombé, c’est un point qui m’intéresse pas mal. On est quelque uns à la rédaction, dont deux en particulier, à être très intéressé par l’Histoire. L’un d’entre nous à même une formation en Histoire (Epyon, qui possède une Licence d’Histoire). De même, on a Lespol qui connaît assez bien l’Histoire, et qui fait beaucoup de jeux de stratégie. Je suis un peu dans le même cas, je n’ai pas fait de formation sur le sujet, mais je m’intéresse beaucoup à l’Histoire.

A mon plus grand désarroi, ce sont souvent des jeux de stratégie qui reprenaient l’Histoire, et je ne suis pas un grand fan de ce genre de jeu. C’est pour cela d’ailleurs que j’ai beaucoup aimé Assasssin’s Creed, car j’aimais bien revoir les faits historiques après y avoir joué. Je me suis renseigné, et j’ai vu que de temps en temps, les développeurs avaient un peu «bidouillé» on va dire pour que ça colle avec leurs projets, mais dans l’ensemble, il y a une reproduction assez fidèle de l’Histoire.

Ce fait partie quand on traite des jeux historiques, je pense que c’est évident, on est obligé de vérifier un minimum. On essaye d’y prêter attention, c’est un point qui est quand même important pour des jeux de ce genre, qui se revendiquent comme de vrais jeux faisant honneur à l’Histoire.

Prenons l ‘exemple d’Assassins’s Creed. On peut reprocher à cette série d’avoir un décor et un contexte historique, mais une trame narrative mêlant fiction et Histoire, au risque d’induire le joueur en erreur. Du coup, quand on teste ces jeux, est-ce que l’on fait attention à préciser aux lecteurs ce qui est est vrai historiquement, et ce qui ne l’est pas ?

Ça nous arrive. On ne le met pas comme avertissement, surtout que les jeux s’en chargent, si ma mémoire est bonne. Après, c’est un peu la difficulté de ce genre de jeux, ils tirent profit des «zones d’ombres» de l’Histoire pour à chaque fois se dire «Tiens, on sait pas trop ce qui s’est passé à ce moment, alors on va partir sur quelque chose de fictif». Moi j’aime bien cette démarche, je la trouve intéressante, mais c’est vrai qu’elle peut être perturbante pour certaines personnes.

Après, je pense que la plupart des joueurs ont quand même conscience que la fiction est mêlée à l’Histoire dans ces jeux. Les développeurs essayent de mettre cela en avant, et les joueurs en ont conscience. Après, il n’est pas impossible que n’ayant pas forcément une culture historique poussée, certains joueurs se mettent à penser que cela s’est vraiment passé comme cela. Mais cela les poussent à se renseigner après coup et à découvrir si c’est vrai ou pas, je pense que c’est un bon point et un bon moyen de les initier à l’Histoire.

Je sais que cela m’est déjà arrivé de préciser dans un test à ce sujet qu’il y avait une partie fictive, mais je le dis comme si c’était une évidence. Je pars du principe que les joueurs l’ont remarqué. Mais je le signalerais peut-être lors de mon test sur Assassin’s Creed Unity (rires) !!

Quand on regarde les forums de ces jeux, ce sont souvent les plus jeunes (10-14 ans) qui prennent ce qui est dit dans le jeu comme une vérité historique, penses-tu que l’âge est un facteur important ?

Oui, je pense que l’âge joue, car quand on a cet âge là, on est rapidement influençable. Ca veut pas dire que je ne parle pas de coté dangereux de la chose, loin de là, on voit quelque chose, on se dit «ah tiens, j’ai vu ça, je pense que c’est vrai», on à pas encore le sens critique suffisant, c’est la période ou il se forge d’ailleurs, c’est à partir de cet âge que les jeunes commencent à se forger leur sens critique, et comprendre qu’effectivement, il y a une part de fiction. Après, effectivement, ce n’est pas impossible que certains jeunes ne fassent pas la distinction entre réel et Histoire.

Une question sur un autre jeu : Soldats Inconnus, mémoire de la Grande Guerre. Ubisoft Montpellier a travaillé en collaboration avec les historiens qui ont monté le documentaire Apocalypse, la Première Guerre mondiale. Est-ce que cette démarche, de la part d’un développeur de jeux vidéos, est quelque chose à encourager afin d’intéresser les joueurs à l’Histoire ?

Alors je ne l’ai pas essayé, je le voulais, mais je n’ai pas encore eu l’occasion, mais j’ai vu le testeur à coté de moi le faire et j’ai vu le jeu un petit peu. Après, j’ai trouvé la démarche intéressante. En plus ce que j’aimais bien, c’était toute la partie faits historiques qu’on débloquait si je ne m’abuse.

Par contre, ce qui est délicat, c’est que là, ça se prêtait bien à ce type de jeu. La Première Guerre Mondiale est très différente de la Seconde Guerre Mondiale, et n’avait pas ce coté dynamique à mettre en scène dans un jeu vidéo. La Première Guerre Mondiale est plus compliquée pour cela, car la plupart du temps, le soldats étaient dans des tranchées, et c’est difficile à retranscrire. On ne pourrait pas faire un Call of Duty sur cette guerre par exemple, c’est impossible.

Un autre jeu jeu avait lieu pendant la Première Guerre Mondiale, je pense à Red Baron II. Le jeu était accompagné d’un manuel historique très complet sur le conflit aérien pendant la guerre. En ce moment, le jeu vidéo devient énormément dématérialisé, mais ne faudrait-il pas faire un équivalent de ce genre de manuel intégré au jeu pour intéresser les joueurs à l’Histoire ?

L’exemple du jeu Soldats Inconnus est très bon, parce que la première réaction quand je l’ai vu, c’est de me dire que le jeu faisait bien la frontière entre les deux domaines que sont l’Histoire et le jeux vidéos, et c’est un bon moyen pour les personnes qui ne connaissent pas cette période d’avoir un jeu qui est quand même ludique, avec des passages «funky» comme avec les tanks, et une porte d’ouverture sur l’Histoire, permettant aux joueurs qui le souhaitent de s’y intéresser, notamment via les fiches qui sont dans le jeu.

C’est un peu la même chose dans Assassin’s Creed, où là c’est écrit sur un ton un petit peu plus décalé, parce qu’il y a un contexte dans l’Histoire qui le justifie, mais c’est vrai que j’aime beaucoup cette idée de faire une passerelle entre ces deux domaines, c’est quelque chose à creuser.

Après, Ubisoft peut se permettre de le faire, car ils ont leurs grosses licences qui les poussent, et ils peuvent se permettre d’aider des projets fait par de plus petites équipes, tapant dans l’indépendant sans l’être. Du coup pour moi, on peut porter ce genre de jeux mais il faut que ce soit les gros studios qui le fassent, car c’est difficile pour des studios plus petits.

Parlons de l’Histoire de France. Il y a très peu de studios français qui font des jeux partant d’une base historique française, alors que des studios américains, suédois, voir japonais n’hésitent pas à se baser dessus. Est-ce que cette situation n’est pas regrettable ?

C’est vrai que cela fait partie des points ou effectivement les studios français ne s’attardent pas forcément, Après, la difficulté que l’on a en France, c’est que l’on a des studios dans le jeu vidéo, on en a qui sont actifs, mais des très gros qui auraient la capacité d’avoir des équipes qui peuvent travailler sur l’Histoire, ce qui nécessite énormément de documentation et de moyens, il y en a beaucoup moins.

Ou alors, ces studios sont partis dans des genres de jeux qui ne se prêtent pas du tout à cela. Ils vont avoir leur domaines de prédilection, je pense au studio lyonnais Arkane (Dishonored)qui est français mais qui n’est pas du tout dans cette direction.

Je pense que le manque de jeux historiques par les studios français vient de ces deux facteurs, soit ils sont dans des genres dont ils ne veulent pas déborder, soit ils n’ont pas une force de frappe suffisante pour se permettre de faire ce type de jeux.

On a tout de même l’impression que ceux qui parle le plus de l’Histoire de France, ce sont les studios étrangers, et en général, ce n’est pas très bien traité, je pense à Jeanne d’Arc, The Saboteur, …

C’est la difficulté de mixer l’Histoire et le jeu vidéo. Il y a la contrainte d’un scénario que tu dois écrire, qui doit être bien rythmé pour un jeu vidéo. On voit bien qu’effectivement, quand tu fait un jeu par exemple sur Jeanne d’Arc, il y a peut être une période de sa vie où ce qui se passe n’est pas super intéressant, et du coup, dans un jeu, cela va se sentir. C’est ça la difficulté, et du coup, tu es obligé de sauter des passages et ça peut casser le rythme du jeu.

C’est exactement ce qui se passe parfois dans Assassin’s Creed, les développeurs voient qu’un passage ne va pas être intéressant, du coup tu te retrouves six ans plus tard, sans trop comprendre pourquoi.

C’est là que réside la plus grosse difficulté à mélanger Histoire et jeux vidéos, et la «solution de facilité», c’est plutôt de se dire qu’on part dans un univers historique moins fidèle, avec un personnage auquel on va pouvoir donner le caractère et la vie que l’on souhaite, sans être contraint par le cadre historique, au risque de te mettre à dos une partie de la communauté qui est venu parce que le jeu se déroule pendant une période historique qu’ils aiment.

Il y a assez peu de grandes figures historiques, comme Napoléon, que l’on retrouve dans les jeux vidéos. En tant que journaliste amateur d’histoire, est-ce qu’il n’y a pas certains grands personnages historiques que l’on aimerait voir dans un jeu vidéo ?

Je pense à un personnage français en particulier, qui est apparu dans Assassin’s Creed III : il s’agit de Lafayette. Il m’a toujours intéressé, j’aime beaucoup le personnage, qui a eu une vie plutôt remplie. Il apparaît dans le troisième volet, je me demande si on ne le verra pas dans le prochain, c’est assez probable au vu du contexte historique. Après en personnage historique plus global, c’est difficile à dire.

Dans le cadre des interviews des développeurs de jeux se revendiquant comme étant historique, ces derniers expliquent-ils leur façon de faire des recherches historiques ?

C’est arrivé que l’on en discute. Je sais que pour Ubisoft, ils ont une équipe dédiée aux recherches, et ils font également appel à des externes comme des historiens. Ils essaient souvent de se renseigner sur ces externes, savoir s’ils connaissent les jeux, pour que ces personnes soient capable de retranscrire le personnage et son caractère de façon à voir s’il serait intéressant de l’intégrer au jeu.

Une partie de leur équipe, à force de travailler sur la série, doit faire le travail de recherche en interne. Par exemple, pour l’épisode Assassin’s Creed Revelations, ils se sont déplacés à Constantinople, dans la basilique Sainte Sophie, afin de prendre des notes pour la reproduire à l’identique dans le jeu.

Je pense que pour Assassin’s Creed Unity, ils ont fait la même chose, puisque Notre Dame de Paris est censée être reproduite à l’échelle exacte, et la ville de Paris à l’échelle 1/3, ils ont beaucoup communiqué dessus. Sur le point de la fidélité historique aux lieux, on voit qu’il essayent de faire le plus fidèle possible.

Quand on regarde les jeux dits historiques, on a l’impression que l’époque détermine le type de jeu, comme les FPS pour la Seconde Guerre Mondiale, les jeux de stratégie pour l’histoire médiévale, … Peut-on regretter cette situation, tout comme le fait que des pans de l’Histoire ne soit pas utilisé car non adaptable ?

Effectivement, cela fait partie des points qui sont compliqués. On sait bien que dans le jeu vidéo aujourd’hui, dès que l’on veut faire un jeu, il faut de plus en plus de budget. Et justement, pour les titres basé sur l’Histoire, il y a un budget en amont pour la recherche qui pour être important. Du coup, les petits studios ne peuvent se le permettre, et vont plutôt chercher une idée de gameplay originale pour se démarquer, que d’essayer de reproduire fidèlement un contexte historique, car cela implique d’avoir des connaissances très pointues, ce qui nécessite du temps et de l’argent.

Le jeu vidéo devient de plus en plus compliqué à faire, parce qu’il faut absolument être rentable, ce que même les gros titres n’arrivent pas forcément à être. Par exemple, le dernier Tomb Raider a mis très longtemps à le devenir alors qu’il s’est très bien vendu, parce que l’on atteint des sommes de développement et de coût de fabrication très élevées. Du coup, à moins de travailler sur des idées simples et de se limiter au maximum à tout ce qui est recherche et appels externes qui nécessitent beaucoup de connaissance, c’est vraiment difficile de sortir un jeu aujourd’hui.

Du coup, je pense que ce genre de jeux pâtit de ce syndrome là puisqu’ils nécessitent énormément de travail derrière, et du coup, il n’y a peut-être pas la capacité de les rentabiliser, d’où l’intérêt de gros studios qui utilisent leurs «vaches à lait» (leurs gros titres), pour financer des projets plus obscur, qui ne vont pas forcément leur rapporter grand chose, mais qui vont avoir une patte «indé» et qui vont leur permettre de faire des choses différentes.

Pour plaire, le jeu vidéo se doit d’être de très bonnes qualités tant sur le plan du gameplay que de la réalisation, de la trame narrative, … Est-ce que les jeux vidéos historiques ne négligent pas cet aspect là, et du coup, attirent moins les joueurs ?

Cela revient à ce que je disais précédemment, les petits studios qui marchent sont ceux qui trouvent une bonne idée de gameplay en premier lieu, ce qui va plaire aux joueurs. Au contraire, si développeur axe tout sur les recherches sans trouver en parallèle un gameplay sympa ou solide, il va en pâtir et on aura que cette image du jeu qui aura une bonne base historique mais sans rien derrière.

C’est un choix à faire, et c’est pour ça qu’il faut soit un gros studio derrière pour financer, soit une équipe qui est rodée sur le sujet, soit prendre un genre précis, comme le jeu de stratégie par exemple, qui à l’habitude d’être utilisé pour faire ce type de jeu.

Parlons un peu des erreurs historiques. Quand vous en voyez une dans un jeu se revendiquant comme tel, cela vous gache-t-il votre plaisir de jeu ?

Pour le coup, c’est très subjectif. Je pense qu’il y aura deux catégories : la personne qui tient absolument à ce que le jeu respecte les règles et le cadre historique, et la personne qui va être un peu plus ouverte, se disant que si c’est bien fait, cela peut être pardonné.

Par exemple, moi je préfère quand le jeu profite des «zones d’ombres» de l’Histoire, quand on se dit : «tiens, la théorie la plus probable, c’est celle-là» sans en être sur. Cela ne me gène pas que les développeurs devient un peu pour que le jeu reste rythmé et intéressant. Par contre, s’ils font quelque chose de complètement surréaliste par rapport à la partie historique, comme le jeu The Saboteur dont on parlait tout à l’heure, où on voyait tous les monuments de Paris au même endroit, la ça me pose problème !!

Du coup, quand on voit un jeu comme cela, basé sur une période historique, mais rempli d’erreurs, on ne se dit pas que l’apport historique est juste un argument marketing ?

C’est possible, il y a des jeux qui doivent tirer sur la corde. Quand il y a une très grosse erreur, ça peut arriver, même si c’est gênant. Quand il y en a deux, trois ou plus, en général, c’est que derrière l’argument historique, il y a une volonté de tirer profit d’une période ou d’une figure historique en l’érigeant en tête de proue pour faire vendre, parce que c’est une période historique appréciée ou un personnage historique très connu. C’est dommage.

Après, c’est le genre de chose que l’on a pénalisé dans nos tests. Je me rappelle que pour The Saboteur,sur la partie historique, il y avait énormément d’incohérence dans la manière dont c’était fait, et ce n’était pas toujours justifié en plus. Le jeu avait d’ailleurs été pénalisé pour cela.

Dernière question : le jeu Assassin’s Creed Unity d’Ubisoft va sortir prochainement (le 13 Novembre). Quand on voit le succès de cette saga basé sur différentes périodes historiques en terme de ventes, peut-on espérer que cela inspire les autres gros studios de développer eux aussi des jeux basé sur l’Histoire ?

La difficulté c’est que justement Ubisoft a eu la bonne idée de faire ce genre de jeu, avec la notion de voyage temporel, puisque le héros peut aller dans le présent et dans le passé, ce qui leur ouvre suffisamment le champ des possibilités dans l’utilisation de l’Histoire à différentes périodes.

Du coup, il se sont «appropriés»le terrain, en se donnant la capacité d’exploiter n’importe quelle période historique pour leurs jeux Assassin’s Creed.

Du coup, je me demande si quelque part, si un autre gros studio essayait de s’attaquer à cela, ce ne serait pas trop frontal, et que les joueurs ne se diraient pas : «ils viennent taper Assassin’s Creed, ils vont faire moins bien». Surtout qu’Ubisoft est maintenant rodé, ils connaissent l’exercice.

Je ne suis pas certain que les autres éditeurs prennent le risque d’aller taper là dedans, parce que pour moi, Ubisoft monopolise le terrain actuellement avec leur série, et doublement cette année puisqu’ils ont deux jeux de prévu. Ils tirent tellement sur cette licence, la mettant tellement en avant, qu’il est très difficile pour un autre studio de tenter ça.

Gaming Live – History Channel Civil War : Secrets Missions – PC/XBox360/PS2/PS3


Voici le Gaming Live de History Civil War : Secrets Missions, le FPS édité par Activision en partenariat avec History Channel, et sorti en 2008 sur PC, XBox360, PS2 etPS3. Ce jeu est basé sur la Guerre de Sécession, et en respecte le contexte et l’habillage historique de façon assez minimaliste.

Test de History Channel Civil War : Secrets Missions : https://jeuxvideosethistoire.wordpress.com/2014/05/24/the-history-channel-civil-war-secret-mission-ou-la-caution-historique-au-service-du-mininum/

The History Channel : Civil War – Secret Mission, ou la caution historique au service du mininum


Quand on parle FPS (c’est-à-dire jeu de tir à la première personne) se passant dans un contexte de guerre, on pense tout de suite à la Seconde Guerre Mondiale, terreau inépuisable de ce genre de jeu, portés par des titres tels que Medal of Honor, Call of Duty, ou encore Battlefield 1942. Pourtant, d’autres conflits ont connu des jeux de ce type, comme la Guerre de Sécession, la guerre civile américaine qui se déroula entre 1861 et 1865, et qui opposa les troupes Confédérées (Le Sud) aux troupes de l’Union (le Nord). The History Channel : War – Secret Mission est l’un de ceux-là !!

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Le jeu vidéo The History Channel : War – Secret Mission, sorti en 2008 par l’éditeur Activision sur PC, XBox360, PS2et PS3 est donc un FPS se déroulant durant la Guerre de Sécession, la fameuse guerre civile américaine, opposant les États-Unis (ou l »Union »), dirigés par Abraham Lincoln, et les onze états sudistes ayant fait sécession (« la Confédération »). L’origine de cette guerre concernait l’abolition de l’esclavage, mais également plus généralement, l’opposition entre les États du Nord, très indépendants, et les États du Sud, où les traditions européennes étaient encore très présentes. C’est pourquoi l’on attendait beaucoup de choses de ce jeu, surtout si l’on considère que la chaine History Channel a participé à ce projet pour renforcer la partie histoire du soft.

Le joueur incarnera tour à tour un soldat Sudiste ou Nordiste, dans des escarmouches ayant lieu en périphérie des grandes batailles, telles que Gettinsburg ou le siège de Vicksburg.

Un contexte historique convaincant

Le principal point positif du jeu réside dans la présentation interactive des missions. Cartes montrant les mouvements de troupes, photographie d’époque, et narrateur expliquant les forces en présence, le contexte de la bataille et son importance dans le conflit, tout cela permet au joueur d’entrer véritablement dans les différentes missions proposées, qui sont à chaque fois issus d’une bataille réelle. Il s’agit là clairement du meilleur point de ce soft.

La présentation historique des missions est très réussie

La présentation historique des missions est très réussie

Autre élément important, mais qui est aujourd’hui courant : l’habillage historique. Ainsi, les tenues des Nordistes et des Sudistes sont identique à la réalité jusque dans les boutons de manchettes. Il en va de même avec les armes, fidèles à celle de l’époque, puisque le joueur devra en charger certaines par le canon, en mettant la poudre, le plomb, puis en tassant, avant de pourvoir tirer.

les tenues et les armes, fidèles à la réalité

les tenues et les armes, fidèles à la réalité

Enfin, dernier élément historique toujours agréable : la possibilité de croiser des figures historiques ayant été pressentes sur les fronts où le joueur est envoyé. Il sera donc possible de prendre ses missions avec le général E.Lee coté Sudiste, ou avec le général U.Grant du coté du Nord. Bref, le contexte historique est plutôt convaincant, comme pour la plupart des FPS basé sur un conflit historique maintenant.

Des ajouts et des manquements dommageables

A coté de cela, le jeu est sujet à des défauts inhérents à sa nature de FPS, mais aussi, plus dérangeant, à certains choix qui s’avèrent discutables.

Premier reproche fait au jeu : la possibilité de gagner des « skills », c’est-à-dire des améliorations pour son soldat. Dommages accrus, plus de vie ou de regain de santé, bref, tout ce qui peut permettre au joueur de traverser plus facilement les niveaux se fait au détriment de la réalité. Ce fait est confirmé par le fit de pouvoir choisir un mode de difficulté parmi trois disponibles (easy, médium, hard), ce qui gère les dégâts subis par le joueur et par les ennemis. Alors, bien sûr, tout cela fait partie des éléments classiques d’un FPS, mais il est toujours dommage de voir un jeu sacrifier à la réalité pour permettre au joueur de progresser plus facilement, alors que d’autres jeux ont montré que l’on pouvait faire différemment pour coller un peu plus à la réalité (localisations des dégâts, . . .)

Un élément assez peu historique !!

Un élément assez peu historique !!

De plus, il est à regretter de voir le manque d’impact du consultant historique, à savoir la chaine History Channel. En effet, le travail de cette dernière se limite finalement aux scènes d’introduction des missions, qui si elles sont très bien faites, s’avèrent tout de même assez peu en vu du contexte historique du jeu. En effet, on aurait voulu voir plus d’éléments dans les bonus du jeu, qui se distingue par sa pauvreté, avec juste quelques photographie et de lettres d’époque, et la possibilité de revoir les briefings d’avant-missions. Toute la partie historique à lieu donc dans ces briefings, et on ne retrouve pas de documentation sur les différentes batailles auquel le joueur prend part, ni de biographie des généraux des deux camps, ou encore un historique du conflit de façon textuel . . . On est vraiment là dans le strict minimum !!

Les bonus disponibles, assez faméliques

Les bonus disponibles, assez faméliques

Ce manque d’impact n’est peut-être finalement pas si grave. En effet, la chaine History Channel est connue aux États-Unis pour les controverses dont elle est coupable, dues en grande partie à un contenu éditorial jugé « sensationnaliste » et même parfois « absurde », étant des hypothèses non fondées. L’exemple le plus frappant est l’affirmation dans un documentaire que les nazis ont utilisé des technologies extraterrestres pour tenter de conquérir le monde . . . Assez étrange de voir cela sur une chaine d’histoire !! Du coup, la question de la légitimité de la chaine comme choix de consultant historique peut se poser !!

Bilan

5/10

5/10

Les Plus                                                                           Les Moins

+ briefings de missions                                              –  les éléments non historiques du gameplay (skill, …)

+ modélisation des tenues et des armes             – le manque d’éléments documentaires

+ escarmouches basées sur batailles réelles      – la caution historique d’une chaine jugée peu sérieuse

The History Channel : War – Secret Mission est un jeu vidéo qui laisse le joueur en quête de jeux historique assez dubitatif. En effet, d’un coté il possède une réalisation historique dès plus convaincante sur le fond, (briefings précédant les missions, tenues, armes, etc . . .), mais de l’autre, il manque d’éléments supplémentaire, et revendique un partenariat avec une chaine TV controversée. Ce jeu est donc l’exemple-type du soft faisant le strict minimum, se contentant de respecter l’Histoire quand à l’habillage et le contexte, mais laissant de coté le coté « éducatif ». C’est d’autant plus flagrant avec ce jeu qu’il revendique tout de même la caution historique d’une chaine spécialisée !! Bref, un jeux qui ne restera pas dans les annales des jeux historiques !!

Gaming Live Versailles : Complot à la cour du Roi-Soleil – PC/PS1


Voici le Gaming Live de Versailles, complot à la cour du roi Soleil, le point-and-click édité par Cryo Interactive en sur PC et Playstation, et qui est basé sur l’histoire moderne, et en particulier sur le règne de Louis XIV. Un excellent jeu, quasi-parfait !!

Test de Versailles : complot à la cour du roi Soleil : https://jeuxvideosethistoire.wordpress.com/2011/08/02/versailles-complot-a-la-cour-du-roi-soleil-ou-le-jeu-video-ludo-culturel/

Gaming Live Crusader Kings II – PC


Voici le Gaming Live sur le wargame Crusader Kings II, un jeu édité par Paradox Interactive en 2012 sur PC, et qui est basé sur l’histoire médiévale. Un très bon jeu, possédant une trame historique excellente, malgré sa tendance à l’uchronie.

Test de Crusader Kings II : https://jeuxvideosethistoire.wordpress.com/2012/06/08/crusader-kings-ii-ou-le-mariage-entre-histoire-medievale-et-wargame/

Gaming Live – Caesar II – PC


Voici le premier Gaming Live d’Histoire et Jeux Vidéos !! Nous parlerons ici de Caesar II, le city-builder édité par Sierra en 1995, et basé sur l’histoire romaine. Un très bon jeu de gestion, assez fidèle à l’Histoire, malgré des défauts mineurs.

Test de Caesar II : https://jeuxvideosethistoire.wordpress.com/2011/07/18/la-quadrilogie-caesar-ou-la-civilisation-romaine-au-service-dun-jeu-de-gestion/

Pharaon, la civilisation egyptienne au service d’un jeu de gestion


En 1999, quatre ans après avoir sorti Caesar 2, l’éditeur Sierra éditait un nouveau « city-builder » sur PC,  nommé Pharaon. Ce nouveau jeu reposait sur les mêmes mécaniques que son prédécesseur, mais basées cette fois-ci sur la civilisation égyptienne.

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Le but est bien évidemment le même que dans les autres jeux du même type, mais les contraintes de l’époque régissent certains éléments, car en plus de devoir gérer sa cité, le joueur doit également défendre sa province, gérer son budget, s’attirer la faveur des Dieux, et tout ça afin de devenir le nouveau Pharaon de l’Égypte.

Le jeu est donc régi par les codes du genre. Il est nécessaire de construire des infrastructures permettant à sa population de se développer. Ainsi, la construction de puits est nécessaire pour pourvoir en eau toute la population des villes. De même, la création de fermes, d’entrepôt et de marchés sont indispensables pour nourrir sa population, tout comme l’édification de temples pour s’accorder la bonne grâce des diverses divinités.

Et c’est là ou Sierra joue à fond la carte du réalisme historique. En effet, la plupart des constructions disponibles respectent les codes de l’architecture égyptienne de l’époque, basée sur la symétrie et les formes géométriques. De plus, le rôle des différents bâtiments constructibles collent au plus près à la réalité. Par exemple, afin d’éduquer à sa population, il est possible de construire des écoles de scribes, ou si vous préférez, vous pouvez promouvoir la construction de brasserie de bières !! De même, comme cela était le cas à l’époque, la crue du Nil joue un rôle majeure, puisqu’elle conditionnera vos récoltes et donc vos réserves de nourriture  pour l’année à venir !!

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Bref, de multiples détails, réalistes et historiques, permettent de s’immerger complètement dans sa cité et dans sa province égyptienne, au fur et à mesure que l’on progresse et que l’on débloque les divers bâtiments. Il faut dire que cela fait quelque chose lorsque l’on construit sa première pyramide !!

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Mais, me direz-vous, tout cela résulte des mécaniques de jeu, et n’a que peu de rapport avec l’Histoire en tant que tel. eh bien détrompez-vous !!

En effet, comme pour son prédécesseur Caesar 2, dans le panneau situé à droite de l’écran, se situe une case qui permet d’obtenir des renseignements historiques sur chaque bâtiment en cliquant sur ce dernier. Cela permet, en plus de s’instruire en jouant, de constater le travail effectué par le studio de développement pour coller au plus près de la réalité historique. Cette volonté se traduit également par un manuel d’utilisation complet, qui contient même une vingtaine de pages retraçant l’histoire de l’Égypte ancienne, comme le montre le document ci-dessous, qui est la page d’introduction de ce chapitre. Tout cela montre bien le travail de recherches historiques fourni par les concepteurs du jeu, ainsi que leur volonté d’ancrer le plus possible le jeu dans le réel.

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Tout ce travail de recherches historiques se retrouve dans le mode Histoire. Le joueur incarne les membres d’une famille d’architectes au fil des siècles, passant par la création de la ville de Men-Nefer (Iere Dynastie), la conquête de la Nubie et de la construction de la Grande Pyramide ( IVe dynastie) soit l’Ancien Empire (de -2686 à – 2181),  jusqu’au Nouvel Empire (de -1550 à -1069), soit près de mille ans, permettant ainsi de survoler l’histoire de cette civilisation.

Alors bien sûr, même si Pharaon repose sur un travail historique solide, y jouer ne correspond pas à prendre un cours accéléré d’histoire égyptienne, mais il permet tout de même de pouvoir apprendre de façon ludique la fonction des différents ouvrages et constructions de l’époque.

L’Aigle de Guerre, ou les campagnes napoléoniennes vu du Japon


En 2001 sortait dans nos contrées un jeu assez atypique sur Game Boy Advance. Il s’agissait d’un jeu de stratégie basé sur les campagnes napoléoniennes, Édité et développé par Nintendo, et sobrement intitulé : L’Aigle de Guerre. Un jeu intrigant et alléchant, car on ne trouvait pas beaucoup de jeux basé sur le français le plus connu à travers le globe à l’époque. Seule retenue, la vision japonaise de l’histoire française est toujours assez « étonnante ». Sentiment confirmé lorsque l’on lit sur le verso de la boite de jeu et à l’intérieur du livret d’instruction : « le déroulement du jeu est imaginaire et n’a pas la vocation à illustrer d’évènements historiques ». Nous voilà prévenu . . .

Avant de parler histoire, parlons du jeu. Il s’agit d’un jeu de stratégie en temps réel (ou STR), ou vous incarnerez Napoléon,  qui se contentera de donner des ordres à ses généraux, qui eux, devront battre les différents ennemis. Un gameplay qui colle plutôt pas mal à la période historique, et plus particulièrement aux campagnes militaires. On se dit alors que ce jeu peut être finalement une bonne surprise . . .

Napoléon à l »assaut d’un château

Mais dès le départ, un détail fait tiquer. Si la plupart de vos généraux sont bel et bien ceux qui ont côtoyé l’empereur, tel que Jean Lannes, Joachim Murat ou encore Louis-Nicolas Davout, d’autres, comme le dénommé Alessandro Inzaghi, ou Louise Rosset, sont des personnages de fiction. Il s’agit là du premier écart avec la réalité historique, et le moins grave dirons-nous. On passera également sur le peu de ressemblance physique des personnages historiques avec la réalité, ce n’est pas ce qui choque le plus.

Car voici venir LE gros point noir du jeu concernant la réalité historique : il s’agit des nombreux adversaires que l’empereur rencontrera sur sa route. En effet, Napoléon devra tout d’abord écraser les royalistes en Vendée. Seul problème,dans la réalité, il régla le confit vendéen par le dialogue et la négociation, en proposant une paix honorable reposant sur un réel compromis, et non par la force.

Il doit ensuite combattre les Anglais, et en particulier Arthur Wellesley, duc de Wellington (son vainqueur de Waterloo), et l’amiral Nelson (qui batta les armées de Napoléon à Trafalgar), dans un méli-mélo de batailles historiques qui seront gagné par le stratège français . . . Si la réalité historique prend là un grand coup sur la tête, alors que dire quand on voit ces différents adversaires sont secondés par des monstres géants, des sorcières, des vampires et autres joyeusetés issus du monde médiéval-fantastique !! Autant dire que question réalité historique, on repassera !!

Exemple de monstre rencontré

Et ce n’est pas tout, puisque  les développeurs n’hésiteront pas à vous faire combattre des personnages historiques déjà décédées. Ainsi vous devrez affronter Jeanne d’Arc, pourtant brulée depuis plus de 300 ans, Nostradamus, enterré depuis plus de 250 ans, ou encore Marie Antoinette, morte en 1793, soit dix ans avant que Napoléon ne soit sacré empereur !! Cerise sur le gâteau, le boss de fin de jeu n’est ni plus ni moins qu’Alexandre le Grand, disparu presque 2000 ans avant la naissance de Napoléon !! On nage en pleine aberration historique . . .

Au final, ce jeu possède des éléments des campagnes napoléoniennes (personnages, certains lieux, batailles célèbres), mais ces derniers servent de toile de fond à un scénario médiéval-fantastique à mille lieux de la réalité historique. Cela n’est d’ailleurs pas sans rappeler le jeu Jeanne d’Arc, sorti sur PSP, et qui avait fait l’objet d’un précédent article. Au final, cet Aigle de Guerre est un STR plaisant, qui respecte parfaitement les codes du genre, mais la réalité historique passe rapidement au second plan, et c’est bien dommage . . .